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Bassin Adour-Garonne

État des lieux 2025 : de réels progrès, mais surtout un appel pour une politique de l’eau encore plus efficace !

#144

Le 11 décembre, le comité de bassin a adopté l’état des lieux 2025 de notre bassin, étape clé de la révision de la politique de l’eau pour les années à venir. Les débats nourris ont mis en lumière la qualité du dialogue au sein du comité de bassin, aboutissant à l’adoption à l’unanimité d’une délibération enrichie directement en séance.

Décryptage de cette photographie du bassin avec Laurent Verdié, Directeur Planification et prospective

Quels sont les principaux enseignements de cet état des lieux ?

Tout d’abord un constat positif : La part des masses d’eau superficielles en bon état progresse, passant de 50 % en 2019 à 55 % en 2025. L’état chimique des eaux souterraines s’améliore aussi de quelques points.  

Ce sont des signaux favorables mais pour autant, il ne faut pas crier victoire. La progression vers le bon état généralisé reste lente – de l’ordre d’un point par an – et nous maintient encore loin de l’objectif de 100% que la Directive cadre sur l’eau visait pour 2027.  

D’autant plus que l’état des lieux révèle aussi des situations plus préoccupantes :  

  • L’état quantitatif des eaux souterraines se dégrade légèrement, conséquence d’un déséquilibre persistant entre volumes prélevés et capacité de recharge des nappes.  
  • Les pressions qui impactent les masses d’eau se maintiennent à un niveau parfois élevé : environ 40% des masses d’eau superficielles ou souterraines subissent des pressions liées aux pollutions diffuses ; les altérations liées à l’hydromorphologie des rivières sont plus importantes que lors du précédent état des lieux. Même si ces évolutions de pression à la hausse sont parfois liées à de l’amélioration de la connaissance (localisation des prélèvements, des achats et usages de phytosanitaires, etc.), elles doivent nous interpeller.

De plus, pour la première fois, nous mettons en évidence l’effet du « vent contraire » que représente le changement climatique. Au travers de cartes de la vulnérabilité de la qualité de l’eau des rivières face au changement climatique. On voit que, si on ne fait rien, le risque de voir la qualité de l’eau se dégrader dans notre bassin se généralise pour les échéances 2050 et 2100, y compris dans les zones aujourd'hui préservées.

Nous entrons désormais dans une phase plus complexe, qui nous invite vraiment à renforcer nos actions mais aussi à fixer des objectifs réalistes.  

Peut-on dire que les actions engagées portent leurs fruits ?

Oui sans aucun doute, mais aujourd’hui les bénéfices sont trop limités pour engendrer une progression significative vers le bon état. Une part importante de l’amélioration observée est toutefois liée aux actions menées sur les pollutions ponctuelles, domestiques et industrielles. Les stratégies mises en place en matière d’assainissement et de lutte contre ces pollutions se révèlent efficaces. Les investissements consentis produisent des résultats mesurables en termes de bon état, ce qui confirme que l’action sur les pressions est payante.  

Plus largement, cet état des lieux confirme le lien direct entre pressions et état des milieux : agir sur les pressions reste le levier principal d’amélioration. 

Que montre l’analyse sur le temps long ?

Pour la première fois, l’état des lieux couvre trois cycles successifs, soit près de 18 ans d’évolution. Cette approche met en évidence une situation contrastée. 

  • Un quart des masses d’eau a toujours été en bon état. Souvent situées en tête de bassin, ces masses d’eau jouent un rôle essentiel de réservoirs de bon état pour l’aval et doivent être particulièrement préservées, notamment face au changement climatique.
  • À l’inverse, un quart des masses d’eau n’a jamais atteint le bon état. Malgré les nombreuses actions engagées, leur reconquête reste très difficile. Il s’agira désormais d’engager des transformations plus profondes, à travers des actions plus ambitieuses. Cela suppose d’aller plus loin dans l’effort, d’intervenir sur des linéaires plus étendus et de raisonner à l’échelle de l’ensemble du bassin versant. Si l’on veut espérer reconquérir durablement le bon état sur ces masses d’eau, les actions doivent dépasser le seul champ de la politique de l’eau : elles nécessitent une mobilisation collective et coordonnée de l’ensemble des politiques publiques et des acteurs du territoire.
  • Près de la moitié des masses d’eau ont changé d’état au fil des cycles. Parmi elles, environ 20 % ont déjà été en bon état par le passé mais ne le sont plus aujourd’hui. Ces masses d’eau constituent un levier d’espoir : le fait qu’elles aient déjà atteint le bon état montre qu’une reconquête est possible, à condition d’identifier précisément les causes de la dégradation. À l’inverse, environ 30 % des masses d’eau sont aujourd’hui en bon état alors qu’elles ne l’étaient pas auparavant, il s’agit donc d’un bon état fragile, qui appelle une vigilance renforcée. 

Quels sont les principaux points de vigilance pour l’avenir ?

  • Se concentrer sur les pressions significatives : quel que soit l’état actuel des masses d’eau. Il ne s’agit pas uniquement de reconquérir le bon état là où il est absent, mais aussi d’éviter les basculements là où il est encore présent.
  • Protéger les masses d’eau en bon état : Le changement climatique renforce cette exigence : les analyses montrent que des masses d’eau aujourd’hui en bon état deviennent de plus en plus vulnérables aux horizons 2030, 2050 et 2100.
  • Agir dès maintenant : Les années 2020–2030, on ne le répétera jamais assez, sont déterminantes : c’est maintenant que doivent être généralisées et massifiées les actions d’adaptation. Le futur SDAGE portera cette nécessité. 

L’état des lieux soulève-t-il d’autres enjeux ?

L’état des lieux montre que la politique de l’eau est insuffisamment financée : le montant de la facture d’eau ne couvre ni le renouvellement des infrastructures existantes, ni les investissements supplémentaires imposés par le changement climatique. 

Cela appelle une réflexion globale sur le modèle économique de l’eau, intégrant solidarité territoriale, niveau de tarification et gouvernance. Les territoires d’un même bassin étant très différents, tant par leur situation de départ que par les pressions exercées, la solidarité territoriale devient un enjeu central du prochain SDAGE. 

Les têtes de bassin, encore relativement préservées, doivent également être protégées : elles constituent une réserve essentielle du bon état des eaux, menacée à terme par le changement climatique. Cette protection suppose une solidarité renforcée vers l’amont, y compris financière. 

Loin d’être annexe, cette question est désormais structurante pour l’avenir de la politique de l’eau.  

Quelles sont les prochaines étapes après cet état des lieux ?

L’état des lieux 2025 et les « questions importantes » servent de socle pour l’élaboration du SDAGE 2028–2033. La rédaction de ce document stratégique et du programme de mesures qui lui sera associé définira la politique de l’eau du bassin et de l’ensemble de ces acteurs du bassin pour cette période, en s’appuyant sur les enseignements tirés de cet état des lieux. 

Une nouvelle phase de travail commence donc avec les instances et se conclura en décembre 2027 par l’adoption, on l’espère, du nouveau SDAGE par le comité de bassin.