Bassin Adour-Garonne
Forum « Eau et qualité de vie »
#142
L’idée n’était pas de se morfondre mais d’inviter à agir et à anticiper pour éviter un futur à la Mad Max. La journée d’échanges organisée, le 23 septembre à Bordeaux, par l’Agence de l’eau Adour Garonne, a permis de lancer des pistes de réflexion pour pouvoir continuer à bien vivre demain dans le Grand Sud-Ouest avec deux fois moins d’eau.

Une trajectoire connue
Dans un contexte de réchauffement climatique, « d’ici 2050, 85 % du territoire français sera soumis à des tensions hydriques comparables à la sécheresse exceptionnelle de 2022. Cet été inédit deviendra la norme », a annoncé Clément Tonon, rapporteur général au Haut-commissariat à la Stratégie et au Plan.
Mais si toute la France sera touchée, « les changements seront particulièrement marqués dans le Sud-Ouest » a ajouté Eric Sauquet, directeur de recherche en hydrologique à l’INRAE, porteur du projet Explore 2. Au niveau de la Garonne, les projections à horizon 2050 prévoient une baisse quasiment continue des débits sur l’intégralité de l’année et des baisses de l'ordre -30 à -40 % en termes de débit estival à la fin du siècle.
L’échelle locale
Pour l’adaptation, le local fait largement consensus. « L’adaptation doit se faire à l’échelle des micro-territoires », réitère Elodie Galko pour qui « toutes les solutions doivent être regardées car la marche est haute. L’idée est aussi de se dire que toute goutte d'eau qui tombe sur notre territoire doit y rester le plus longtemps possible ».
L’adaptation, « n’est pas un renoncement aux politiques de réduction des émissions de gaz à effet de serre mais une voie d’action complémentaire dans la lutte contre le changement climatique » souligne François Gemenne, co-auteur du 6ème rapport du GIEC. Dans cette perspective, l’Agence de l’eau Adour Garonne dispose de deux milliards d’euros de budget sur six ans pour l’accompagnement de projets. « Il reste 25 ans pour agir, et c’est maintenant qu’il faut commencer », insiste Elodie Galko.
Des choix à faire
« Comment ferons-nous pour partager un bien qui se raréfie ? » interroge François Gemenne. « Alors que la sinistralité va augmenter, est-ce que notre régime d’indemnisation Cat-Nat, robuste aujourd’hui, tiendra ? interroge Rodolphe Pannier, Chargé de mission à la Caisse Centrale de Réassurance ou, faudra-t-il tendre vers une sécurité climatique ? », se demande Clément Tonon. Des choix devront également être faits en matière de service d'alimentation en eau potable.
Le sujet agricole sera quant à lui majeur. « Ce secteur est probablement l'un des seuls à pouvoir jouer sur les deux tableaux, à savoir l'adaptation et l’atténuation du changement climatique », souligne Lionel Alletto, agronome à l’INRAE. De toute évidence, « notre modèle n'est pas soutenable puisqu'en 2050 nous pourrions avoir besoin de 2,5 fois plus d'eau pour garder le même modèle agricole dans le Sud-Ouest », rappelle Hélène Arambourou pour le Haut-commissariat à la Stratégie et au Plan. Si la culture des légumineuses est une piste, « il faut que les filières existent et que les agriculteurs soient en capacité de vendre leurs productions. C’est aujourd’hui l’écueil le plus fort que nous ayons identifié », explique Lionel Alletto.
Se projeter positivement
Avec deux fois moins d’eau, les plus de 250 participants ont planché sur les bases d’une réflexion à mener sur le développement économique, l’industrie, l’agriculture et l’environnement.
Pour François Gemenne, l’enjeu est de transformer la contrainte climatique en projet collectif : « La transition doit redonner un sens du progrès et de la confiance en l’avenir, fondée sur l’anticipation et de nouvelles façons de décider ensemble. » Même vision pour Nathanaël Wallenhorst : « L’action peut émerger au nom de la promesse faite à nos enfants que la vie peut rester agréable. »
Les ateliers ont esquissé ce que pourrait être 2050 avec deux fois moins d’eau, autour d’une idée forte : agir collectivement, territoire par territoire, et développer une culture du risque. « Admettre sa vulnérabilité est un premier pas vers l’adaptation », rappelle Gemenne.
Industrie, agriculture, aménagement : partout, il s’agit de repenser les usages, de bâtir des modèles plus sobres et résilients, avec un constat partagé : l’avenir agricole ne peut reposer sur les seuls agriculteurs.
Et un avertissement : « Le coût de l’inaction sera bien plus élevé que celui de l’action. »